Analyse de l’article 24 de la nouvelle Constitution
Par François Lelano, journaliste indépendant – Administrateur de formation
Depuis la publication de la nouvelle Constitution, destinée à régir désormais la vie publique en République de Guinée, de nombreuses voix s’élèvent pour saluer ou critiquer ses dispositions. L’article 24, qui traite de l’accès au logement, suscite particulièrement l’intérêt :
> « Toute personne a droit à un logement décent. L’État crée les conditions nécessaires à l’exercice de ce droit. Il protège les citoyens contre les discriminations ethnique, religieuse, régionale ou toutes autres formes de discrimination énumérées à l’article 7. »
Si cette déclaration semble louable dans la forme, certains spécialistes du domaine pointent une certaine ambiguïté dans sa formulation. Ils y voient un signe d’amateurisme et s’interrogent sur la réelle implication de constitutionnalistes dans la rédaction de ce texte.
Il faut rappeler que cette disposition n’est pas nouvelle en Guinée. Les précédentes Constitutions évoquaient déjà le droit au logement sans qu’aucune politique concrète ni directive claire n’ait jamais été mise en œuvre à grande échelle. Ainsi, la formule « Toute personne a droit à un logement décent » reste une déclaration de principe, sans mécanismes précis garantissant son effectivité. Pourtant, il s’agit là de l’un des besoins fondamentaux de l’être humain. En l’absence d’un accompagnement étatique, chacun se débrouille tant bien que mal pour se construire un abri et échapper aux aléas climatiques.
La seconde partie de l’article stipule que « l’État crée les conditions nécessaires à l’exercice de ce droit ». Cette formulation ouvre la porte à beaucoup d’interprétations. Quelles sont ces conditions ? Sont-elles réellement une priorité pour les autorités ? Pour l’heure, la réalité du terrain donne une image bien différente : les projets de logements sociaux sont rares, et lorsqu’ils existent, ils demeurent inaccessibles au citoyen moyen. À l’inverse, dans plusieurs pays, les gouvernements investissent massivement dans la construction de cités modernes pour répondre aux besoins de logement de leurs populations.
Autre point important de cet article :
« Il (l’État) protège les citoyens contre les discriminations ethnique, religieuse, régionale ou toutes autres formes de discrimination. »
Une déclaration forte, certes, mais qui ne trouve malheureusement pas de traduction concrète dans les pratiques quotidiennes. Car c’est précisément sur ces discriminations que naissent de nombreuses tensions dans notre société. Qu’il s’agisse de l’ethnie, de la religion ou de la région d’origine, nombre de Guinéens sont confrontés à des injustices flagrantes dans l’accès au logement, à l’emploi ou à la justice.
Plus encore, en affirmant vouloir protéger les citoyens contre toutes formes de discrimination religieuse, la Constitution semble ignorer les nombreuses situations où des individus ont été marginalisés ou rejetés du fait de leurs convictions religieuses. Ces atteintes répétées constituent une violation flagrante de l’article 8, qui rappelle que « L’être humain et sa dignité sont sacrés et inviolables. »
Alors, faut-il croire que nos textes sont conçus pour s’appliquer à certains et être ignorés pour d’autres ? Ce double standard nuit à la crédibilité de l’État et à l’unité nationale.
Il est urgent que les autorités prennent la pleine mesure de leurs engagements constitutionnels. La Constitution doit être appliquée de manière égale à tous les citoyens, sans distinction ni discrimination. L’État doit adopter des mesures concrètes pour garantir le respect des articles 7, 8 et 24, notamment en veillant au respect de la laïcité, à l’égalité des droits et à la lutte contre toutes formes de marginalisation.
Espérons que cette nouvelle Loi fondamentale marque le début d’un changement réel pour le bien de tous les enfants de la Guinée que nous aimons.
Miroir Guinée